Facebook : l’application Android se connecte via TOR et c’est très bien
Après avoir proposé en octobre 2014 une adresse en .onion, permettant une utilisation anonyme et furtive du réseau social, Facebook récidive au sein de son application Android. Le principe est simple, après avoir installé Orbot, le lient TOR pour Android, il suffit d’activer une option dans l’application Facebook pour que toutes les communications passent par le réseau TOR.
Cette initiative n’a pas manqué de soulever nombre de remarques sarcastiques sur le paradoxe « évident » du mariage improbable entre le réseau le plus anonyme du monde et celui dont le fondateur souhaite haut et fort la fin de la vie privée. Mais ce paradoxe est-il aussi évident qu’il en a l’air ? Et s’il n’était que le résultat d’une gigantesque confusion des genre ?
On peut critiquer Facebook et l’apparent paradoxe à utiliser Tor avec l’un des réseaux sociaux les plus intrusifs au monde, il n’empêche que l’initiative de Facebook est une bonne chose pour les libertés.
Pendant le printemps arabe, les dissidents des régimes utilisaient Facebook et Twitter pour publier les vidéos et articles pour témoigner des exactions. Il n’ont pas contacté AP, ni le New York Times, le Monde, le Der Spiegel ou encore The Guardian. Non, ils ont utilisé Facebook et Twitter.
Kadhafi avait tout de suite vu le danger de cette communication incontrôlable et s’était empressé de couper le réseau. Les hackers de Telecomix avaient aussitôt répliqué en rétablissant internet façon Mac Gyver. Partout dans les pays ennemis des droits de l’Homme, les dissidents utilisent ces grands réseaux sociaux car ils sont sûrs d’obtenir une visibilité sans pareille.
Il est légitime de dénoncer la volonté de ces réseaux de détruire nos vies privées, mais il faut faire une nette distinction entre les besoins :
- combat contre Facebook pour défendre le respect de la vie privée (en France, cette démarche est menée par La Quadrature du Net ou FDN) ;
- utilisation de Facebook comme outil de communication pour dénoncer des exactions et les mettre à disposition du plus grand nombre au péril de sa propre vie ou de sa propre liberté (plusieurs ligues des droits de l’Homme forment les dissidents à une telle utilisation des réseaux sociaux).
« Facebook over Tor » est clairement utile dans le second cas. Il permet d’éviter les attaques man-in-the-middle gouvernementaux, systématiques dans nombre de pays pour déchiffrer les connexions aux grands services populaires, et le protocole d’obfuscation rend son utilisation difficilement détectable.
Il y aura toujours des esprits chagrins pour regretter que le chiffrement soutient le terrorisme et réclamer des checkpoints à chaque coin de rue. Il est toujours aisé de rêver d’un état régalien tant qu’on n’en subit pas soi-même les conséquences.
Au-delà de la pauvreté de la remarque qui prouve une carence flagrante de culture historique (l’histoire militaire et l’histoire des terrorismes sont étroitement corrélées avec l’histoire du chiffrement depuis au moins le 1er siècle avant Jésus Christ), je ne donnerai qu’un seul exemple, bien contemporain celui-ci (Financial Times, 30 novembre 2015) : aujourd’hui, Daesh communique et passe ses commandes d’armes lourdes aux trafiquants d’armes au vu et au su de tous avec WhatsApp…