Sabine Weiss et Göskin Sipahioglu à la MEP
Göskin Sipahioglu
L’exposition consacrée au fondateur de l’agence Sipa retrace les « années Göskin » au travers de grands fait d’actualité. Albanie, mai 1968 à Paris, Djibouti en 1967… J’ai redécouvert avec plaisir la photo d’actualité telle qu’on devait la concevoir pendant son âge d’or. Pour moi, Sipa, c’est avant tout l’agence du grand reportage, agence indissociable d’agences comme Gamma et Sygma. Indissociables dans la gloire comme dans la chute ; pour faire face à l’impératif de rentabilité, Sipa a fait fondre son pôle « actualité » au profit du bureau « people ». Et Sygma fût racheté par Corbis, splendeur du modèle Mc Do appliqué à la photo.
Peut-être est-ce dû à mon habitude de l’image, mais je ne trouve pas le sens du cadrage ou l’humanité de Göskin Sipahioglu (vantés par la plaquette de la MEP) si flagrants que ça. Peut-être est-ce la présentation de l’exposition qui veut ça. Par contre, le recul historique prouve à lui seul le talent du photographe à sentir les sujets et à se trouver là où il faut quand il le faut. Magnifique leçon de journalisme à l’état pur. L’actualité ne se donne pas, elle se mérite.
Petite faute de goût cependant : il n’était à mon sens pas utile de faire un étalage massif des cartes de presse, accréditations et autres visas de l’auteur. Cela n’apporte rien de plus à l’exposition, si ce n’est le sentiment que Göskin Sipahioglu s’aime bien et veut le montrer. Autant les premières cartes de presse et accréditations pour des évènements historiques sont les bienvenues, autant les cartes de presse récentes (ayant très peu servi semble-t-il) sont le petit détail de trop qui fait basculer le tout dans le narcissisme.
Sabine Weiss
Voici une exposition qui fera taire les contempteurs de l’autofocus à post-combustion couplé à la mesure 3D matricielo-numérico-bionique seul capable de produire une image de qualité, et encore, en manifestation, guerre, carnaval, etc. Ici, on se fout du matériel, du pourquoi du comment, de toutes ces choses qui servent de cache-misère à l’incapacité de créer quelque-chose de beau. Sabine Weiss s’applique à saisir l’instant dans la banalité, à raconter des histoires extraodinaires dans la grisaille des petits matins gris de la capitale. De ses images, toute la poésie du Paris des années 1950 se couche sur des tirages vintages ou modernes. J’ai une nette préférence pour le rendu des vintages.
Au fil de l’exposition, je retrouve des images qu’on croirait tout droit sorties du livre de photos de Robert Doisneau « Les doigts pleins d’encre« . Par moment, on croirait même que Weiss et Doisneau ont photographié les mêmes enfants à quelques minutes d’intervalle.
Sabine Weiss a aussi voyagé. Et c’est en Inde que ses magnifiques lumières m’ont furieusement rappelées les fabuleuses ambiances de Sebastião Salgado. Ces mêmes lumières qui m’avaient envouté alors que je débutais la photo.
Mutations II / Moving Stills
Je ne serais pas exhaustif si je ne mentionnait pas cette autre exposition hébergée au niveau -1 de la MEP. A vrai dire, je suis tombé dessus pas hasard. Organisée dans le cadre du mois de la photo, elle regroupe huit créateurs, dont les vidéos/vidéo-photos/photos-vidéos « nous invitent à dépasser les logiques territoriales afin d’explorer les frontières qui les séparent » dixit la présentation de l’expo. J’ai surtout contemplé, dubitatif, une image grossièrement définie sur laquelle j’ai cru déceler quelques mouvements sporadiques. Le procédé était exploité avec plus de brio par Méliès. Pas vraiment touché par la génialissime explosion conceptuelle lyrico-laryngo-chose des créations sponsorisées en pagaille et déjà vue mille fois, j’ai « dépassé les logiques territoriales » de la MEP, « exploré les frontières qui les séparent » de la sortie pour me retrouver sur le trottoir.