Dès 1929, elle s’installe à Paris, rencontre Man Ray et commence à graviter dans l’univers des surréalistes. Elle s’initie alors à la photographie. C’est à l’art de celle qui préfère « prendre une photo qu’en être une » qu’une exposition rétrospective est consacrée. Elle est hébergée par la galerie du Jeu de paume jusqu’au 4 janvier 2009.
Man Ray, Cocteau, Picasso… le terreau créatif est riche. Et le pari d’élever l’égérie des surréalistes à leur niveau audacieux. L’exposition hébergée au rez-de-chaussée de la galeries se découpe en 150 images et cinq temps forts de la carrière de la photographe :
- les débuts de Lee Miller (1927-1932) ;
- la période new-yorkaise (1932-1934) ;
- les voyages des années 1930 (1934-1939) ;
- la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) ;
- l’après-guerre (1946-1977).
Après quelques portraits du mannequin (notamment réalisés par Edward Steichen), on aborde rapidement ses propres expérimentations. Et c’est là que j’ai commencé à douter de la nature remarquable de « L’art de Lee Miller« . Au fils des photographies, j’ai l’impression de découvrir une suite de balbutiements incertains, une personnalité qui ne s’affirme pas. Man Ray fait de la solarisation ? Hop ! Un portrait solarisé. Serait-elle écrasée par l’aura de son amant ?
Résolument optimiste, je me dis que ces images sont des éléments de compréhension qui préparent à un jaillissement artistique. Il faut juste être patient. En attendant, je remarque que Lee Miller aime beaucoup son profil gauche, pas vraiment intégrer l’humain dans ses images (sauf ses amis), et que tout ça est finalement très plat. Où donc se trouve l’inspiration des surréalistes ? Dans « La main explosée » ? Le « Nude bent forward » ? Hum… J’ai beau me creuser la tête, je ne vois dans ces photos ni l’ébullition artistique dans lequel la photographe baigne, ni l’affirmation d’une quelconque recherche personnelle. Encore moins la constance qui permettrait un épanouissement artistique. Par contre, ces images me font penser à une jet-setteuse qui s’ennuie et assiste, impuissante, à un foisonnement intellectuel qu’elle ne peut atteindre.
La période égyptienne est particulièrement révélatrice. Mariée à un riche fonctionnaire, Lee Miller s’ennuie; moi aussi. Je n’ai pas réussi à trouver l’univers onirique des paysages mentionné dans la plaquette. Je ne peux m’empêcher d’établir un parallèle stylistique avec les photographies britanniques du Grand Tour (1840-1860) exposées quelques semaines auparavant au Musée d’Orsay. Sauf que les calotypes de l’époque dégagent, eux, un réel onirisme.
Correspondante de guerre
Peut-être alors la Seconde Guerre mondiale va-t-elle révéler cette artiste ? Mais non. Je ne découvre qu’une vision éloignée, étrangère des évènements ; non pas scientifique, mais presque indifférente, superficielle. Oserais-je parler de dilettantisme ? A peine un peu d’audace sur les portraits de SS morts. Seulement voilà, si la volonté de se démarquer du point de vue dominant (qui tendait à une focalisation sur les victimes) pour se concentrer sur les bourreaux (SS morts), voire à démystifier complètement l’incarnation de la terreur (le photographe David E. Sherman lisant Mein Kampf allongé sur le canapé de Hitler), est louable, elle peut aussi tendre vers le ridicule : Lee Miller soi-même batifolant dans la baignoire de Hitler (photo 08). De son côté, Robert Capa nous livrait un témoignage tout à fait unique et John Heartfield menait bataille depuis quelques temps déjà.
Je m’interroge aussi sur le choix de Mark Haworth-Booth, le commissaire de l’exposition (par ailleurs fort bien construite), de présenter une partie des photos de guerre « dans le contexte de leur publication » (et surtout imprimées sur un panneau !) au motif qu’elles sont « horribles » et représentées avec « avec une approche esthétique« . Ne sommes-nous pas capables de faire face à ces clichés ? L’esthétisme de la guerre n’a-t-il jamais été exposé ni mis en scène sans pour autant annihiler la puissance du message ?
Pour finir, retour à Londres. Lee Miller épouse Roland Penrose en 1947 et s’installe à Farley Farm. Elle y photographie ses célèbres invités occupés à jardiner ou à des tâches ménagères. Tout ça sera publié dans Vogue. Hum… des célébrités réunies dans une ferme… Ça ne vous dit rien ?
Suffit-il de côtoyer des artistes pour en devenir un ? Certes, le bain culturel dans lequel Lee Miller s’est plongée est propice à l’épanouissement artistique. Mais cela suffit-il ? Au terme de cette exposition, j’ai l’étrange sentiment que l’art de Lee Miller doit une large part de sa reconnaissance à la célébrité des artistes qui entouraient la photographe.
Pour en savoir plus :
– Présentation de l’exposition « L’art de Lee Miller »
– « Petit journal » du Jeu de paume n°44
– Lee Miller archives (site officiel)
– La fiche de Lee Miller sur Wikipédia
– Le surréalisme (Wikipédia)
– Un chien andalou (authentique monument du surréalisme)